La vraie naissance d’un homme, par Grégory Bègue

Publié le par Guigui

Je suis devenu un homme à l’âge de 19 ans. J’avais attendu ce moment depuis des années et il arrivait enfin ! Le pire, c’est que je n’étais pas réellement préparé. Comment ça s’est passé ? On m’a simplement proposé, et comme je suis un mec, j’ai accepté sans hésiter. C’est le père de ma copine de l’époque qui m’a offert ce privilège en me disant : « Cadeaux, ça ne me sert plus à rien maintenant, fais toi plaisir ».

 

C’est donc en janvier 2001 que j’ai découvert la vie, la vraie, car on venait de me donner ma première voiture. Ma propre voiture ! Je n’avais plus à attendrir mon père pendant des semaines pour lui emprunter la sienne. Je n’avais plus à faire attention à mes réactions à la maison de peur d’entendre « Ah ouais tu fais le malin ? Tu ne comptais pas prendre la voiture samedi soir ? T’as intérêt à te calmer direct sinon ... ». À cette époque je rêvais de pouvoir répondre : « Mais sinon quoi Papa ! Je m’en fous de ton Kangoo maintenant, je suis un mec, un vrai. Et en plus moi je ne roule pas dans une caisse pourrie ».

 

Je vous rassure, je ne lui ai finalement jamais dit ça, même quand j’ai eu les clés de cette fameuse première voiture. Pourtant j’aurais pu, car je venais d’acquérir ce dont rêve tous les jeunes : une grosse berline allemande. Fermez les yeux et imaginez vous un peu ce que cela signifie. Non, pas une Mercedes classe E ni une BMW de folie. Encore mieux : une Jetta. Et ouais, une Jetta Beach de 1989.

En gros c’est comme une Golf 2 mais avec un long coffre en plus. C’est le genre de voiture qui n’avait que le moteur qui fonctionnait encore normalement (merci Wolkswagen au passage). Tout le reste ne marchait pas, ou mal : pas de chauffage, pas de feux de croisement entre le 1er et le 15 du mois (en gros une fois sur deux), les essuies glaces n’essuyaient pratiquement rien, et je pourrais continuer avec le reste des accessoires.

 

Mais cette voiture, je l’aimais profondément. Déjà parce qu’elle m’avait offert la liberté, et en plus parce que je l’avais eu gratuitement. J’en ai fait du chemin avec elle, même si j’avais toujours peur de trop m’éloigner de chez moi au cas où elle ne supporterait plus le poids de sa vieillesse. Il faut dire qu’elle montrait des signes de fatigue. Par exemple, elle émettait un son de métal rouillé, un son tellement unique et puissant que je ne pouvais jamais mentir à mon ex copine sur mes heures de fin de soirées tardives.

 

Mais toutes les bonnes choses ont une fin et j’ai dû m’en séparer après presque deux ans de vie commune. J’avais à cette époque choisi une voiture qui avait un chauffage valide, il faut dire que l’hiver d’avant avait été rude. Le pire, c’est qu’elle roulait toujours aussi bien la Jetta et que lorsque je l’ai amené à la casse (ma mère avait réussi à me dissuader de faire en sorte qu’on me percute de la gauche pour toucher l’assurance), le bourreau qui s’est chargé de l’achever m’a demandé 20 euros. Vous avez bien entendu chers lecteurs, 20 euros et ce pour avoir le droit de mettre sa voiture au cimetière ! La morale dans tout ça ? Rien, juste que j’avais déjà mal au cœur, et à ce moment là j’avais aussi mal au cul.

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